Vendredi matin. Dans une quinzaine de minutes, je quitte avec Céd pour une Xe imagerie par résonnance magnétique. Près de 8 ans que c'est comme ça plusieurs fois par année, mais je ne m'habitue pas. Je ne m'habituerai jamais. Et plus il vieillit, plus c'est difficile.
C'était tellement plus simple quand il ne parlait pas et surtout, qu'il ne posait pas de questions. Vous me trouvez peut-être méchante de dire ça comme ça, mais c'est tellement vrai. C'est beaucoup plus aisé de consoler un enfant de deux ans qui ne comprend pas ce qui se passe que d'expliquer à un gamin de 9 ans qui en a marre de se faire piquer TOUT les fichus jours de l'année parce qu'il a fini de grandir depuis 2005 et qui voudrait tellement être comme les autres enfants de sa classe. Si mon coeur de mère se serrait autrefois quand je devais le «maintenir» immobile pour que nous puissions installer une voie veineuse, ce n'était rien en comparaison de ma douleur quand je le vois se rebiffer aujourd'hui. Je déteste avoir encore à l'immobiliser contre son gré parce qu'il ne veut pas de prises de sang, ni de sédation. J'haïs voir la terreur dans ses yeux quand l'infirmière approche avec l'aiguille pour la voie veineuse. J'ai envie de me sauver, en le serrant dans mes bras, quand il se tourne vers moi, le regard noyé, mais qu'il tente de ne pas verser une larme pour faire plaisir à maman. Je voudrais l'amener à des kilomètres de l'hôpital quand il me tient la main et qu'il lutte contre la claustrophobie qui le guette, encarcané de plastique, sanglé sur une table mouvante, dans une pièce frigorifiée, à l'entrée d'une machine bruyante et que la p'tite madame de l'IRM lui dit: «Bon, là faut pas que tu bouges, hein, parce qu'il faudra recommencer». (C'est pas mêlant, j'ai alors des envies de meurtres!!!!!!!!!!!) Vous expliquez comment à ce p'tit bonhomme qu'il ne sera jamais comme les autres, qu'il aura nombre de difficultés à l'école, que toute sa vie, il aura des dizaines de spécialistes qui le suivront plusieurs fois par ans, et que la récidive le guettera toujours parce que les tumeurs cérébrales ont la fâcheuse habitude de revenir et ce, bien après cinq ans... Je n'ai jamais menti à mes enfants, surtout pas concernant la maladie. J'avoue cependant qu'il y a des jours où j'ai envie de commencer à le faire...
Depuis un peu plus de deux semaines, Céd se plaint de maux de tête à répétition. En tant que femme raisonnable et capable de logique, je me répète que c'est seulement la fatigue liée à l'école qui en est la cause. Que c'est comme ça tous les ans. Que ce sera toujours comme ça parce que son endurance physique est différente des autres dû aux effets secondaires de la chimio et de la radio. Le problème, c'est que je suis également une mère. Et la mère n'est pas toujours capable d'être raisonnable et logique parce qu'elle est une mère justement et que l'amour qu'elle porte à son enfant lui fait parfois craindre le pire. Parce qu'elle sait que c'est possible de rencontrer le pire. C'est même déjà arrivé. Deux fois. Ce qui fait que ce matin, nous partons «à reculons». J'ai peur des résultats, mais je ne peux pas le partager avec Céd, parce que je ne veux pas l'effrayer. C'est aussi ça être mère...
Vous connaissez mes chiffres de ventes, je ne les cache pas. Je n'en parle pas trop non plus parce que je sais que plusieurs travaillent aussi fort que moi, sinon plus, pour des résultats moindres. Et que ce doit être franchement frustrant. Je présume - à tort peut-être - que la majorité ressent, à un moment ou un autre, une pointe de jalousie. Réaction humaine des plus normales. (Où je veux en venir, vous demandez-vous? J'y arrive.) Dites-vous toutefois que chaque fois que je pose les yeux sur mon fils, j'échangerais volontiers, et sans le moindre regret, mes ventes, mon voyage en France, mes campagnes de pub, les tournées de Salons et les chambres au Hilton contre une certitude que jamais plus on entendra parler de «médulloblastome à haut risque métastasique et récidivant» dans ma maison. Jamais plus. Pour ceux qui rêvent de best-sellers et de renommée, ne perdez jamais l'espoir. Tout est possible. Moi, par contre, mon plus grand rêve ne se réalisera jamais et je dois apprendre à en faire mon deuil chaque jour qui passe. C'était le cas hier, ça l'est aujourd'hui et ce le sera demain... Dans ces moments-là, c'est moi qui vous envie... Et vous n'avez pas idée à quel point...