Si j'ai toujours lu des bouquins depuis que je sais lire et ce, en grande quantité, je n'ai jamais cru que je deviendrais romancière. Je ne le répéte pas depuis la p'tite école, ce n'était pas un rêve au secondaire et ça ne faisait pas partie de mes plans au cégep. L'idée a commencé à germer à l'université, mais encore. Je devrais plutôt dire que ça m'a effleuré l'esprit. Point. D'ailleurs, deux profs de l'époque m'avait «gentiment» dit de ne pas m'illusionner, que je ne publierais jamais rien. Bref, l'idée est passée et je n'y ai plus repensé. J'ai bouclé mon bac en deux ans, pressée de me marier, d'avoir une maison et des enfants. Exit la carrière et tout ce qui vient avec, je rêvais d'être maman à la maison. Oui, oui, maman à la maison. Une maison avec un immense potager, des poules, une vaste pelouse, une piscine pis de la marmaille. Comme vous pouvez le constater, y'a pas grand place pour l'écriture là-dedans! Par contre, je n'ai jamais cessé de lire...
J'ai eu deux enfants. Et pendant ce temps, j'ai fait beaucoup de bénévolat -j'en fait encore - et j'ai touché à tout. Et quand je dis tout... Je sais cuisiner à peu près n'importe quoi avec un bon livre de recette, faire des gâteaux d'anniversaire hyper sophistiqués et des pièces montées, je fais de la peinture sur bois, du faux et du vrai vitrail, des savons à la glycérine et des chocolats fourrés, je peins de la céramique et du verre, je me perfectionne en photos, je couds des costumes d'Halloween qui font l'envie des p'tits voisins et des camarades de classe, j'ai parfois travaillé le bois. Bref, des cours, j'en ai suivi et j'en suivrais encore si j'avais le temps. Mais jamais je ne me suis inscrite à quoi que ce soit qui concerne l'écriture. Jamais. Toutefois, la limite de ma carte de bibliothèque est toujours pleine...
Pourquoi j'écris me demanderez-vous, vous les passionnés? Par hasard. Une idée m'a un jour traversé l'esprit et s'est ancrée. Un roman jeunesse en fait. J'en ai écrit quelques pages sur des feuilles de cartable que je conserve quelque part. C'est la base de ce qui est ensuite devenue Naïla de Brume 4 ou 5 ans plus tard. Entretemps, le diagnostic de cancer de Cédric est tombé. Il avait 16 mois. Ma vie a basculé. Le livre s'est empoussiéré...
Si j'ai repris l'écriture un bon matin, c'est pour deux raisons. La première: m'éviter d'aller consulter un psy. 18 mois de chimio, c'est long. Une récidive après un an de traitements, alors que tu crois que le pire est derrière toi, c'est pire qu'un coup de poignard. Apprendre que ton fils n'a plus que 3 semaines à vivre si tu n'acceptes pas de lui imposer un traitement qui risque de le rendre légume, c'est un calvaire. 6 semaines de radiothérapie intensive sous anesthésie générale chaque jour, c'est une éternité. Et je m'arrêterai là parce que ça me fait mal rien que de me souvenir. L'art manuel ne me suffisait plus pour oublier l'espace d'un moment, j'avais besoin d'un exutoire différent. Écrire me dispensait de réfléchir à ce que réservait l'avenir à ma famille...
La deuxième raison? Simple. Vous croyez qu'un employeur normal voudra d'une femme comme moi? Avec un enfant criblé de rendez-vous et qui risque la rechute à tout moment? Ben voyons! Alors, je me suis dit que je pouvais toujours essayé de publier l'histoire si je la finissais. Nous étions habitués à un seul salaire depuis des lustres, je n'avais donc aucune pression. Si ça fonctionnait, tant mieux, ce serait de l'extra. Sinon, ce ne serait pas plus pire que ça... Je ne m'illusionnais pas un instant. Je connaissais les perspectives d'avenir du métier, mais je n'avais rien à perdre et tout à gagner. J'ai tenté le coup. Point.
Écrire n'est pas un besoin viscéral chez moi, sauf en temps de crise. Je peux passer des semaines sans écrire sans que ça influe sur mon humeur ou ma vie. Je n'ai pas de manuscrits dans mes tiroirs, je ne collectionne pas les lettres de refus, je n'ai pas de cahiers plein de projets, ni de chemises débordantes d'idées et je déteste écrire des nouvelles. Je ne travaille que sur un projet à la fois. Deux autres mijotent. À temps très très très partiel.
Eh oui, je me considère chanceuse d'être où je suis aujourd'hui. Pas juste privilégiée, mais aussi chanceuse même si le mot peut faire tiquer. Oui, j'ai travaillé sur mes textes. Beaucoup. Mais après qu'ils furent acceptés, pas avant. Je ne rêvais pas d'être publiée, mon manuscrit était une bouteille à la mer. Je suis allée à la pêche. J'ai gagné le gros lot. Je considère qu'il y a de la chance dans tout ça quoi qu'on en dise. Le texte était entre les mains des bonnes personnes, au bon moment. Le livre était l'un des rares bouquins de fantasy à sortir au printemps 2008. La saga des chevaliers d'Émeraude chez Mortagne tirait à sa fin. Timing parfait. Ça ne s'appelle pas juste du travail ça, c'est aussi de la chance. Le travail est venu bien davantage avec les tomes suivants...
Si j'aime ce que je fait? Mais bien sûr! Sinon, je ne le ferais pas. Est-ce que je suis une passionnée au sens où plusieurs le voient? Non. Et je n'ai pas honte de l'avouer. Je suis comme ça. Point.
Si je devais débourser de ma poche pour faire les Salons du livre, je n'en aurais probablement fait qu'un ou deux par an. Les faire tous à mes frais alors que je n'avais encore rien gagné? Oubliez ça! Je n'en aurais pas eu les moyens tout simplement, mes priorités étaient ailleurs. Genre faire manger, loger et habiller mes enfants. Entre autres. Terre à terre direz-vous? Ben oui. La vie est comme ça. Réaliste. Et puis je n'aime pas vendre mes livres... Oui, oui, vous avez bien lu, je n'aime pas «vendre» mes livres. Mais pas du tout. Je me sens toujours mal à l'aise quand quelqu'un me demande de quoi ça parle ou de lui raconter l'histoire... Premièrement, parce que je ne peux pas dire grand chose sans vendre de punch et deuxièmement, parce que je ne peux pas répliquer grand chose à quelqu'un qui me répond, exaspéré: «Encore du fantastique!» ou «Oh, d'une voix déçue, moi ce que j'aime, c'est des romans historiques, ou contemporains, ou ....». Et je n'accosterai personne non plus parce que, honnêtement, je déteste moi-même me faire aborder par un auteur qui veut me vendre sa salade. Je fuis chaque fois. Littéralement. J'aime qu'on me fiche une paix royale dans un salon du livre. Je veux lire le 4e de couverture et me faire une idée par moi-même. Je n'aime pas qu'on me prenne par la main.
Pourquoi je fais les Salons du Livres alors? Pour une multitudes de raisons. Différentes. Parce que j'aime les rencontres avec les futurs lecteurs qui ne me demandent pas de leur raconter mon histoire, mais qui m'expliquent plutôt pourquoi ils sont attirés par mes romans. Pourquoi ils ont envie de les lire. Pourquoi le 4e de couverture les a intrigués. Ceux qui s'arrêtent parce qu'unetelle s'est exclamée haut et fort que ce que j'écrivais était vraiment vraiment bon et que la curiosité a fait le reste...
Parce que j'adore par-dessus tout le contact avec les gens qui ont LU mes romans. Qu'ils les aient aimés ou non n'y change rien. J'aime bien les seconds d'ailleurs, surtout quand ils sont capables de justifier leur point de vue. Il n'y a rien de plus enrichissant à mes yeux que de jaser, en bien ou en mal, de mes romans avec des étrangers. Ils sont une source inépuisables de renseignements divers sur nos propres personnages, la façon dont ils les perçoivent, ce qu'ils espèrent de l'histoire, comment ils imaginent les univers que je décris, ce qu'ils ont moins bien compris, ce que j'aurais dû expliciter davantage. Bref, le sujet est inépuisable. J'aime aussi beaucoup échanger sur ce qu'ils ont lu dernièrement -après tout, je ne suis pas la seule auteure au monde! -. Pourquoi ils aiment ou détestent un auteur. Pourquoi ils en ont délaissé un autre. Quelle sortie ils attendent avec impatience. Je pourrais continuer des heures comme ça. Parfois, je leur conseille une lecture, ils en font souvent autant. C'est juste.... génial. Et c'est pratiquement le seul temps où l'auteure est en contact direct avec ceux et celles qui lisent ses bouqins. Ça n'a pas de prix!
J'aime les Salons pour les rencontres d'auteurs, ces bébittes étranges que l'on ne croise qu'à ces moments précis. On échange enfin en vrai plutôt que par blogues interposés, on fait des découvertes, on lie des amitiés, on a déjà hâte à la prochaine fois et surtout, on échange sur tout et rien, on parle de la vie en général et pas juste d'écriture. Ça nous dit aussi parfois qui il vaudra mieux éviter à l'avenir...
J'aime les Salons parce que j'y côtoie pendant quelques jours l'extraordinaire équipe des Éditions de Mortagne. Une maudite belle gang avec qui c'est un plaisir sans cesse renouvelé de travailler. En région, je découvre des libraires hyper sympathiques et accueillants. Je ne m'en lasse pas.
Un autre point qui fait de moi un mouton noir? Je ne peux pas me vanter d'écrire avant tout pour moi-même et dire que ma satisfaction du devoir accompli est tout ce qui compte. Que je ne veux pas nécessairement publier. Que je ne changerai pas mon texte pour faire plaisir à un éditeur. Etc. Etc. Je vais tenter de m'expliquer, mais je ne suis pas certaine que je serai claire. À partir du moment où tu vends des livres - et par vendre je parle de plusieurs milliers - il n'y a plus rien de pareil... Écrire est aujourd'hui pour moi un métier dans tous les sens du terme. Ce qui implique des devoirs et des obligations quoi qu'en pensent certains. Est-ce que ce serait différent si j'avais été avant tout une «vraie» passionnée? Je ne crois pas. Patrick Sénécal a dit, à la Worldcon, qu'il n'avait pas toujours envie d'écrire quand il se levait le matin, qu'il le faisait parfois par obligation, mais que, une fois sa journée terminée, il était «très content d'avoir écrit». Nuance extrêmement importante ici. Ça ne veut pas dire que l'on n'aime pas ce que l'on fait, mais qu'il arrive parfois un moment où ce n'est plus une question d'envie. Vous avez envie d'aller travailler tous les matins? Sûrement pas! Ben moi non plus! Y'a des matins où je m'en passerais volontiers, amour des mots ou pas. Sauf que je ne peux plus me permettre ce luxe aussi souvent. Et j'ai une direction littéraire à prendre en considération. Même si je m'entends à merveille avec elle, elle n'en est pas moins intransigeante. J'ai un lectorat à respecter aussi. On ne change pas de style ou façon de rendre l'histoire au milieu d'une série. Et puis, j'ai choisi de raconter une histoire en me servant de mots. Pas le contraire. Ce qui veut dire que je n'ai pas de phrases à cent dollars sur laquelle j'ai bûché pendant trois heures. Je n'ai pas trois heures à consacrer à chaque phrase. Est-ce que je fais de la littérature populaire? Oui. Et je n'en ai pas honte. Loin de là. Est-ce que ça fait de mes romans des textes mal écrits et pauvres. Loin de là. Mais ils sont accessibles et c'est très importants. À quoi ça sert d'écrire si personne n'est capable de vous lire? Le but, c'est de faire passer un bon moment aux lecteurs, de les faire s'évader, rêver, imaginer. Pas de les noyer dans un texte tellement beau qu'ils en oublieront le sujet... Tant mieux pour ceux qui voient cela autrement. Je ne dis pas que vous avez tort. Peut-être que c'est moi qui suis dans le champ. Je vous invite cependant à en reparler dans quelques années...
Bon, je me relis, et je me rends compte que j'ai fait comme Jonathan et que je me suis laissée aller... :) Vous prendrez ce qui vous chante et laisserez ce qui ne vous concerne pas à d'autres... ;) Je tiens à préciser que je ne me suis pas sentie attaqué par le billet de Jonathan - loin s'en faut - mais que ça m'a plutôt servie de prétexte pour écrire un tas de trucs qui m'agaçaient depuis un moment déjà! Sur ce, je vais me coucher. Grosse journée à l'hôpital demain et y'a rien de plus épuisant que le système de santé, même si on ne fait rien qu'attendre la plupart du temps... Pffffffff!